C'est un mélange de faim et de curiosité qui avait fait venir Adam jusqu'à l'étrange créature. Comme chaque nuit le vampire chassait dans la forêt son repas, il espérait attraper un de ces nouveaux humains imprudents dont il se repaissait ces derniers temps. Aussi quand il aperçu l'ombre d'une silhouette d'apparence humaine il ne chercha pas plus loin et se rapprocha. La cible ne bougeait pas, stoïque sur son tronc. Ce n'était pas amusant, absolument pas, ce qu'Adam aimait cétait la chasse, l'adrénaline. C'était sentir que sa victime a peur, craint pour sa vie et se démène pour survivre, tuer un être aussi passible ne lui procurera aucune joie, aucune fierté. Pourtant il continua à se rapprocher, pour voir à quoi ressemblait l'humain et si jamais il pouvait obtenir quelque chose de lui. Quand il émergea des feuillages, le vampire fronça les sourcils en voyant ce qui l'attendait : ce n'était pas humain à proprement parlé étant donné que c'était entièrement noir, mais ça avait la forme d'un humain. C'est quoi ça ? Ça se mange ? Un bref coup d'oeil suffit à Adam pour le dégouter d'essayer de ce nourrir d'un pareil être, il est peut-être amateur de sang frais, mais il ne boit pas n'importe quoi.
Le vampire fit tomber son capuchon en se rapprochant pour toiser de tout son long l'étrange être. Lui-même portait une chemise en lin marron clair, assortie à un pantalon de toile noir. Ses chaussures de cuir noir et sa cape de la même couleur finissait l'ensemble qui, par ses teintes principalement sombres, faisait ressortir sa peau laiteuse. Ses yeux rouges vif dévisageaient la créature avant de s'adoucir et qu'Adam esquisse un sourire polie d'excuse.

_ Pardonnez ma curiosité, mais je n'avais jamais jusqu'alors rencontré pareil créature. Puis-je vous demander à quelle race vous appartenez ? Mais avant, la politesse m'impose de me présenter ..

Sa voix grave, caressante, était comme une délicieuse mélopée. Charmant dans toutes ses manières, le vampire respirait une aisance et une certaine éducation. Rien en lui n'était déplacé, si ce n'était ses coups d'oeils intrigués. Il allait continuer à se présenter quand il sentit une odeur familière qui supplanta celle, neutre, de la créature. D'ailleurs en y regardant de plus prêt il n'avait pas vraiment d'odeur cet être là... Avait-il un véritable corps ? Car c'est là que ce se niche les odeurs... Tu y réfléchiras plus tard Adam, concentre toi sur cette nouvelle odeur. Feu de bois, forêt, transpiration... Humain. Un humain les espionnaient, là dans les fourrés. L'excitation gagna le vampire, il sentit dans ses dents l'envie de mordre et sur ses lèvres un léger sourire naquit. Reste calme Adam. Il se retenait d'aller chasser l'intrus, se refusant de gâcher sa rencontre avec la créature pour une chasse, aussi appétissante l'odeur soit-elle. Mieux, il allait faire durer le plaisir... De sa voix mélodieuse, où on sentait le charme des vampires exercer, il appela l'humain. Son charme agissait naturellement, entouré d'une aura fascinante, il n'en restait pas moins des brides démoniaques. Comme si son corps cherchait à prévenir les autres créatures que cet individu si beau n'était qu'une illusion dont il fallait se méfier.

_ Excusez mon interruption, mais nous avons un invité. Voulez-vous vous joindre à nous ? Nous allions faire connaissance, autant que vous soyez des nôtres. Surtout que la forêt n'est pas accueillante de nuit, je sais de quoi je parle. Allez venez, je me présente : Adam Fintz, je suis un des natifs de l'île.

La jeune Alix marchait à grands pas. La nuit était largement tombée et elle se demandait comment elle avait pu être aussi imprudente. D'accord, Dante s'était montré sympathique. Elle avait appris de nouvelles choses sur l'île. Et surtout, elle s'était mise en danger. N'avait-elle pas déjà eu sa dose de mésaventure ? "Pourquoi je peux pas faire un peu attention ?" pensa-t-elle. Les ombres s'étendaient sous ses yeux, effrayantes. L'herbe crissait sous ses pas et plusieurs fois, elle s'était retournée, fixant l'obscurité, persuadée d'être suivie.

Cela faisait un bon quart d'heure qu'Alix avait quitté la clairière dans la quelle se trouvait le petit lac. Avec la nuit, c'était le froid qui était venu. Elle s'était félicité d'avoir pensé à prendre sa cape de laine grise dans la quelle elle s'était emmitouflée. Alix baillait de temps en temps. La fatigue l'avait rattrapée rapidement et pendant un temps, elle avait cru se trouver tout près du campement. Mais à présent, elle devait bien l'admettre : elle était perdue. Cinq petites minutes lui avaient suffi le matin même, pour rejoindre le lac. Alix avait cru être capable de se repérer dans la nuit mais elle devait se faire une raison. L'obscurité avait perturbé ses repères. Il lui faudrait surement attendre le lendemain matin avant d'avoir la moindre chance de retrouver le campement. A cette pensée, elle s'immobilisa, terrifiée : allait-elle réellement devoir rester seule dans la foret ? Elle ferma les yeux, espérant de tout cœur ne pas faire de mauvaise rencontre. Cette pensée eu à peine le temps de lui parcourir l'esprit : une voix s'élevait, toute proche. Envoutante. Alix tenta vainement de se camoufler dans les fourrés, tâchant d'être silencieuse le temps que les personnes présentes s'éloignent. Alix pensa un instant que la nuit profonde la camouflerait. L'absence de lune offrait des inconvénients, c'était une certitude. Elle n'avait plus de repères, elle ne parvenait qu'à peine à distinguer les inconnus qui devaient être tout proche ... Mais au moins, Alix était cachée. Elle ferma les yeux, rassurée, quand la voix l'appela.

Voulait-elle connaitre de nouvelles personnes ? Un natif de la foret, de plus ? La réponse était oui. Voulait-elle rester seule ? Non, bien sur que non. Alix savait pertinemment que ce n'était pas une bonne idée. Elle se leva, tremblante, et se dirigea lentement vers la voix. Celui qui avait parlé était grand, plein d'un charme envoutant - à l'image de sa voix. La seconde personne ... La seconde personne était une ombre. Alix mit un certain temps à la voir. Assise sur le tronc d'un arbre, l'ombre était presque immobile. La jeune fille eut un sursaut. Qu'est ce que c'était ? Elle releva les yeux sur celui qui c'était présenté sous le nom d'Adam Fintz dans l'espoir d'avoir une réponse. Au moment même où ses yeux tombaient sur le visage de l'inconnu, une réminiscence lui vint à l'esprit. C'était flou, mais Alix comprit vite qu'elle avait déjà vu un visage semblable à celui d'Adam. Celui de qui ? La jeune fille n'aurait pas su le dire mais elle comprit une chose : elle était trop près. Elle savait qu'elle aurait du partir en courant - mais pour aller où ?

L'humain était en faite une humaine, délicate, frêle, elle paraissait si fragile que s'en était émouvant. Une nuque si parfaite paraissait avoir été créé uniquement pour que ses crocs y aspire sa vie. Une habituée des bois qui devait être là depuis un moment, elle dégageait une telle odeur de verdure et d'iode que s'en était étouffant. La langue du vampire butant contre sa dentition, son sourire avenant s'étira sans pour autant montrer son désir, rester à ses côtés va être un véritable, et délicieux, supplice. Comme pour l'autre humain qu'il avait rencontré, Adam sentit en lui monter une profonde soif qu'il contrôlait avec plaisir. Décidément, rencontrer des humains est toujours aussi plaisant. Pendant un instant il se plut à penser à la course poursuite qu'il allait lui donner, à la douleur dans ses grands yeux verts et, enfin, à ses crocs lui offrant une mort violente, rapide, jouissive.
Depuis la mort de sa moitié, l'idée de se nourrir de femme était encore plus attrayante pour le vampire. Jusqu'alors il s'était nourrit avec désinvolture : il avait depuis longtemps passé le cap du dégout du sang humain, c'était comme manger un animal, mais en plus savoureux. Mais Sélenna n'était plus, jamais plus il ne la touchera ou n'effleurera la douceur de l'amour, non jamais plus il n'aimera de cette façon. Alors, étrangement, comme réagissant à sa douleur, son corps désirait plus que tout le sang des humains. C'était comme s'il refusait que d'autres que lui aient des compagnes, des aventures; comme s'il rejetait son désespoir sur les autres. Une femme d'une telle beauté ne peut qu'être courtisée, combien d'hommes vont pleurer son départ ? Combien vont maudire les cieux ? Des dizaines, certainement. Des centaines vont souffrir autant que lui.

_ C'est Fintz, mais appelez moi Adam, je vous pries. Autrement c'est avec plaisir que j'accueillerais cette demoiselle, maintenant que vous êtes là autant vous joindre à nous. Vous vous prénommez comment ?

Il se posa contre un arbre, nonchalamment. Rien en lui ne trahissait son envie d'égorger l'humaine, rien en lui ne montrait que les simples mots du Ragnarock le bouleversait. Adam est un mur, un roc, appeler cela comme vous voulez. A moins d'être Naïry, l'elfe protégée du vampire, vous ne saurez jamais ce qu'il pense car cela fait des années qu'il exerce l'art de la comédie. Je suis ce que vous voulez que je sois, voilà ce qu'il aime à penser. Aussi, il restait pour ce soir, un vampire de bonne compagnie, souriant et bavard.
Pourtant... Une consœur ? Qui ? Elle ? Est-ce elle ? Dites moi que c'est elle, avide, Adam voulait entendre parler de Sélenna. Savoir ce qu'elle avait vécu avant de le rencontrer, à qui elle avait parlé. Pendant quelque seconde, il voulait perdurer son souvenir, la faire renaitre par des mots. Comme l'amant éploré qu'il était, une voix au fond de lui suppliait Ragnarock de lui narrer sa rencontre avec sa moitié. Pas une seconde il ne crut sa raison qui lui dit, avec justesse, que c'était peut-être une autre vampire qu'il n'avait pas trouvé. Non impossible ! Une consœur agréable cela ne peut qu'être elle ! Toutes les autres sont ternes, insipides, face à elle !

_ J'avoue que c'est vraiment étrange, vous n'avez jamais eu envie d'avoir votre propre nom ? Je n'aimerais pas qu'on m'appelle Vampire... Drôle de coutume. Mais vous dites une consœur ? Vous savez son nom ? C'est amusant ça... ajouta-t-il avec une pointe de curiosité. Je n'ai pas rencontré d'autre créature telle que vous pour ma part, juste deux autres humains, vous les connaissez peut-être mademoiselle ? Ils se prénomment Lyzaël et Liloé. Ainsi qu'une elfe, Naïry il me semble. En même temps avec les temps qui courent on passe son temps à tomber sur des nouveaux.

La chose toute sombre s'était avancé. Il avait fallu d'une phrase pour qu'Alix ne se mette à s'inquiéter réellement : un vampire. Le visage de Casilda s'imposa à Alix - bien sur ! C'était son visage qui lui faisait penser à celui d'Adam ... Alix s'interdit un imperceptible pas en arrière. Si il sentait qu'elle avait peur, c'était fichu. Elle s’exhorta au calme et tacha de prendre part à la conversation. Elle salua le vampire et la créature - le Ragnarock - d'un signe de tête. Mentir. Toujours. Ils ne devaient pas savoir qui elle était.

- C'est très aimable à vous. Je me nomme Eryn.

Eryn était sa cousine morte deux jours après sa naissance. Le vampire ne pourrait donc ni la connaitre - ni remonter jusqu'à elle, bien entendu. Sans compter qu'Alix n'avait pas l'intention de dire d'où elle venait.

Elle observa un court instant Adam s'appuyer contre un arbre - un très court instant seulement afin de ne pas succomber à sa beauté. Extrêmement raffiné, le visage avenant ... Il avait tout pour mettre Alix à l'aise - si, bien sur, elle n'avait pas su qu'il s'agissait d'un vampire. Ses yeux rouges par contre la terrorisait. Étrangement, l'ombre qu'était Ragnarock lui semblait plus normale. Alix éprouvait également d'avantage de curiosité à son égard : c'était rare de rencontrer l'unique représentant d'une espèce ! Comment vivait-il ? Avait-il un pouvoir particulier ? Alix repensa un instant à ce que lui avait dit Arok à propos de la magie sur Revia. Se pouvait que Ragnarock qu'il l'utilise aussi ? De quelle façon ? Tant de question qu'Alix ne lui poserai pas. Son unique objectif était de partir - vite et en vie. En un seul morceau si possible. Elle frôla discrètement le tissus de sa tunique. Sous son habit était caché un sabre que lui avait remis Zanar il y a quelques jours. Elle avait en effet bien progressé - c'était ce qu'avait dit l'homme, en tout cas - et il la jugeait apte à se défendre. Porter cette lame sur elle rassurait grandement Alix et ce fut avec une certaine assurance qu'elle répondit à Adam.

- Liloé et Lyzael, vous dites ? Leurs noms me sont inconnus, je suis navrée. C'est étrange, mais je crois bien avoir également rencontré l'une de vos consœur. Je ne saurai me rappeler de son nom ...

Casilda. Le prénom était ancré dans la mémoire d'Alix. Hors de question, cependant, qu'il le lui avoue. S'il la connaissait, qu'il venait à lui parler, Adam apprendrait que le petite Eryn qu'il avait croisé dans la foret lui avait menti sur son identité ... Ce qui était hors de question. Alix ne savait pas si cette idée était bonne - mais c'était la seule qu'elle avait pour tenter de se préserver.

Elle se prénommait donc Eryn, comme la forêt. Jamais entendu parler, mais qu'importe, après cette conversation on retrouvera sa carcasse dans un coin replié de la forêt. Elle faisait en tout cas preuve de courage, face aux deux créatures de la forêt, tout êtres humains auraient eu peur. Mais elle non, le regard fier elle restait maitresse d'elle-même. Ressentait-elle seulement la peur ? En tant normal Adam se serait enthousiasmé pour cette conduite, la gamine lui aurait plu. Mais il n'était plus en temps normal, la normalité l'avait quitté et maintenant les humaines était toutes pareil : bonne à être mangées.
Elle ne connaissait pas Liloé et Lyzaël, dommage, il aurait aimé en savoir plus sur la femme. Pareil pour Naïry, son nom ne lui évoquait rien. Elle est donc inutile ? Plus elle parlait et plus Adam ne voyait aucune raison de ne pas la torturer un peu après s'être séparé du Ragnarock. Ce dernier par contre semblait très heureux d'avoir de la compagnie, il se lança dans une longue dissertation de sa vie dont Adam n'avait que faire. Ils ne se connaissaient que depuis très peu et le voilà à vous offrir son cœur ! Toutes sa vie déballée à des inconnus, diantre, la solitude devait lui peser bien lourd pour qu'il agisse ainsi.
Il n'écouta pas ses paroles car ses pensées s'arrêtèrent au fait que c'était une certaine Casilda qu'il avait rencontré. Inutile. Il n'avait jamais entendu parler d'elle et aussi gentille la décrivait-il Adam se doutait qu'il la trouverait fade, vide. Il ne va pas la chercher, pas la peine qu'il perde son temps avec une vampirette qui se morfond sur sa condition. Il connaissait ce sentiment, à croire qu'il était commun à tous ceux de son peuple. Il pourrait la retrouver pour l'aider à aller mieux, mais sérieusement il avait bien mieux à faire que de venir en aide à tous ceux qu'il croise. Défaire le magicien sera bien plus bénéfique à l'île qu'aider une seule malheureuse, surtout si sa présence lui évoque l'image de Sélenna. Eryn de son côté évoqua une rencontre floue avec une autre consœur, l'espoir renait en Adam. Ah ! Cela ne peut quand même pas être deux fois la même ! Malheureusement elle ne paraissait avoir garder aucun souvenir de cette rencontre. Bizarre, pour un humain rencontrer un monstre de fable tel un vampire est ordinairement un souvenir marquant. Alors que Ragnarock se lançait dans le récit de sa vie, Adam plongeait son regard dans celui de l'humaine. Elle ment ou pas ? Elle se souvient ou pas ? Il ne put le définir et profitant que leur comparse était tout à sa biographie, Adam murmura à Eryn :

_ Il est bien dommage que vous ne vous souveniez pas de son nom, les vampires sont si rares et difficiles à trouver que chaque information est bénéfique, ma dame. Il eu un sourire aimable avant de reprendre à voix haute :

_ Et ben ! Quelle vie intéressante mon cher Ragnarock. Et vous avez des ambitions ? Des aventures de prévues ? Dit-il en pensant au Magicien et au trouble qu'il avait engendré. En tout cas j'ignorais que les elfes pouvaient.... disons muté. C'est en effet très douteux, il a du se moquer de vous. Et pour Casilda, je n'ai pas le bonheur de la connaître, mais elle a l'air charmante. On est tous un peu comme ça, à ce plaindre sur notre sort. Finit Adam avec un léger rire.

Oh que non ce n'était pas douteux pour cet elfe. De nature septique, Adam en avait vu assez dans sa vie pour tout remettre en doute et chercher des preuves de l'existence ou non de telle ou telle chose. Si un elfe a pu muter, cela peut arriver à d'autre. Naïry. Il doit l'en avertir, à titre informatif, au cas où. Bon sang, s'il la perdait elle aussi que deviendrait-il ? Mieux vaut ne pas y penser.... Ne voulant pas que Ragnarock se relance dans l'histoire de sa vie, Adam se tourna vers Eryn :

_ Et vous Eryn, que faites vous ici à une heure aussi tardive ?

Casilda. Le nom de la vampire déclencha un bref frisson dans le dos d'Alix. Elle se maitrisa cependant - la jeune fille savait parfaitement qu'à l'instant où elle semblerait flancher, s'en était fini d'elle. Il fallait qu'elle semble forte, assurée - même si elle ressentait tout le contraire. En entendant la déclaration de Ragnarock, elle fit celle qui était surprise - non, elle ne se souvenait pas. Le regard d'Adam vint un instant se vriller dans le sien, peut être à la quête de mensonges ... "N'y pense pas Alix ! Pas un seul instant !" Qu'aurait fait quelqu'un comme son cousin ou Zanar dans cette situation ? Tous deux savaient parfaitement se défendre, ce qui n'était pas le cas d'Alix. La jeune fille ne pouvait compter que sur la ruse. Un instant, elle eu l'espoir absurde que le bavardage de Ragnarock allait pouvoir l'aider - mais non. Adam guettait, songeant sans aucun doute à ce qu'elle avait dit : elle ne se souvenait pas du nom de sa consoeur. Quand il lui fit remarquer qu'elle aurait du retenir le nom de cette dernière, elle lui adressa un mince sourire, tachant de masquer son appréhension, s'obligeant à ne pas trembler.

- Je suis navrée. répéta-t-elle doucement avant de revenir à ce que disais l'ombre.

Un elfe transformé en une sorte d'ours ? Alix fit un effort de concentration, fermant les yeux pour tâcher de se souvenir. Qui lui avait parlé d'un ours ? Elle était absolument certaine d'avoir eu vent de cette histoire ... Mais par qui ? Ce n'était pas Liloé, cela, Alix en était sure. Ni Zanar. L'homme, prudent, peut être trop, ne quittait que très rarement le campement. Si elle parvenait à le regagner, Alix savait que ce dernier ne manquerait pas de lui passer un savon - bien mérité. Alors qu'Adam disait ignorer que les Elfes pouvaient muter, Alix se souvient soudainement. Elle décida de prendre la parole prudemment.

- C'est étrange, mais je crois avoir entendu parler de cette histoire également ...

Précisément, cette Kliériane qu'Alix n'avait que peu apprécié lui avait parlé d'une aventure avec un ours doué de parole. Ce dernier portait également un nom elfique. Elle le relata à ses nouveaux - et bien étranges - compagnons, butant légèrement sur le nom de l'elfe.

- J'ignore cependant si celui ci avait muté ... Je dois dire que je trouve cette histoire fascinante !

C'était vrai. Ce genre d'histoire avait tendance à plaire à la jeune fille. Leur coté magique les rendaient totalement irréelles et pourtant, Alix voulait y croire. La question d'Adam la ramena sur terre et elle dû trouver rapidement quoi répondre. Dire qu'elle était perdue était la dernière chose à faire. Comment pouvait-elle justifier sa présence à elle, pauvre humaine apeurée qui jusqu'à présente le cachait plutôt bien, dans cette foret en pleine nuit ? C'était impossible et Alix se jeta sur la première chose qui lui passait par l'esprit.

- J'ai passé la journée dans la foret, à vrai dire. Je me suis rendue compte que la nuit tombait un petit peu tard ...

C'était l'entière vérité. Alix avait passé la journée avec Dante au bord du lac. Elle n'avait pas vu le temps passer et maintenant, la jeune fille était dans de sales draps. Il fallait qu'elle trouve quelque chose qui lui permettrait de filer et de regagner le campement. Pourtant, elle était presque sure de la direction à prendre pour le rejoindre ... " Quelle idiote je suis, mais quelle idiote !" Le lac était au nord de la plage - elle devait marcher plein sud. C'était pourtant ce qu'elle avait fait avant de se trouver nez à nez avec Adam et Ragnarock. Peut être la nuit modifiait sa perception des distances ... Alix était persuadée que la plage n'était pas loin. "En tout cas, il le faut ..."

Il les écoutait parler sans y participer. L'histoire de ce « Nùmendil » était, comme le disait si bien Eryn, fascinante. Qu'un elfe devint un ours avait de quoi intriguer les consciences, les apeurer aussi. Il fallait qu'il en parle à Naïry, peut-être était elle au courant, mais il ne pouvait prendre le risque qu'elle se transforme en un ours. Oh là... Et si elle devenait aussi un ours il serait obligé de l'abattre ! A non, ce Nùmendil semblait avoir une conscience... Hm ils pourraient vivre dans les bois, ce serait pas si mal en faite qu'elle devienne un ours. Rejetée par tous, encore plus que maintenant, elle n'aurait alors plus que lui... N'importe quoi, résonne toi mon vieux, tu divagues là.
Ragnarock reprit la parole pour vanter les atouts de l'île. Adam s'amusa de son enthousiasme, il lui apparaissait un peu comme un être à part dans ce monde. Il aimait la compagnie des vampires, il adorait l'île et paraissait être complètement dans sa bulle. Il était attachant, bien qu'Adam ne soit pas totalement d'accord avec lui. Certes Revia est belle, recèle de nombreux trésors, mais sa liberté est telle quelle en devient handicapante. Le vampire, en l'écoutant, ne put s'empêcher de penser que cette liberté à fait que les peuples sont chacun dans leur coin, ne se souciant pas des autres. En tant de paix, c'est une formidable attitude, mais en cas de problème il n'y a personne pour aider son voisin. Comme avec la maladie qui décima les humains et le fit devenir ce qu'il est : personne n'a levé le petit doigts pour les aider. De toute façon, avec l'arrivée du Magicien, tout allait changer. Même si au final il ne régnait pas sur Revia, il y aura eu suffisamment d'affrontement entre ses partisans et opposants pour que les esprits en soient marqués et change du tout au tout. Ragnarock a-t-il conscience de ce fait ?

_ C'est vrai que c'est un bel endroit, mais notre liberté va changer Ragnarock, je suis sûr que vous le savez n'est-ce-pas ? Un coup d'œil à son nouveau camarade suffit à Adam pour comprendre que non, il ne voyait pas du tout de quoi il parlait. Vous... Vous n'avez pas entendu parler du Magicien ? La surprise prit Adam qui n'avait pas imaginé qu'un autochtone ait pu ne pas savoir qui était le Magicien : tout le monde parlait de lui ! Bon je vous résume les faits, si vous me permettez : Lors de la cérémonie de l'arche – vous savez celle en hommage à la belle endormit – les humains sont venus à notre rencontre. Leur présence n'incommodait personne jusqu'à ce qu'un homme apparaisse, il était entouré d'une aura magique très puissante. Comme j'en ai jamais perçu. Il a interrompu la cérémonie en nous faisant comprendre que les humains n'avaient rien à faire sur l'île. D'après ce que j'ai entendu il me semble qu'il désire diriger l'île avec harmonie, mais aussi force. Il ne paraît pas aimer qu'on s'oppose à lui. Du coup, je peux affirmer sans grand risque de me tromper que Revia va connaître des temps troublés : il y en aura pour le suivre et d'autre pour se rebeller.

Eryn, étiez-vous parmi les humains ce soir-là ? Pour ma part je pense le suivre, si jamais il se manifeste de nouveau ce dont je ne doute pas. Revia est une terre libre, je suis d'accord avec vous, mais cette liberté est trop proche d'une anarchie. En cas de problème il n'y a aucune solidarité, cohésion : chaque peuple se démène dans son coin, marchant sur son voisin comme s'il s'agissait d'une fourmi. Certes nous avons peu de conflit, le dernier remontant à la maladie des humains. Mais tout de même, c'est à prendre en compte. D'ailleurs, si le Magicien peut aussi facilement se proclamer maitre de l'île c'est aussi à cause de notre disparité : n'étant pas unit, il peut aisément s'insérer entre nous. S'il avait eu un bloc face à lui, jamais il n'aurait osé agir de la sorte, j'en suis sûr. Tout ça pour dire que je pense que, malgré notre liberté, Revia se doit de changer et d'avancer. Nous avons besoin d'un chef, de quelqu'un qui maintienne une certaine cohésion et qui prévienne les problèmes. J'avoue ne pas apprécier qu'il s'y prenne par la force, mais les habitants se seraient-ils soumis aisément ? Aurait-il accepté le changement ? Non.

Ca y ai il l'avait dit : je suis dans le camps du Magicien. Les premiers qu'il devait duper, les premiers à qui il devait faire croire dur comme fer qu'il adhérait à l'idéalisme de cet homme, pour que personne ne se doute qu'il était une taupe. Il s'écoutait parler, se riant intérieurement de ses paroles. S'ils savaient qu'il trouvait cet homme détestable, peu futé et qu'il aspirait à devenir son plus proche collaborateur pour mieux le trahir ensuite. Voir sa chute de l'intérieur sera tellement plus jouissif que rejoindre les rebelles. Ces derniers parlons-en ! Qu'espère-t-ils avec une offensive direct ? Comment vont-ils s'y prendre pour le renverser ? Bah, il le saura bien, il finit toujours par savoir.